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Le corps qui change, vieillesse, accident, maladie.

5 novembre 2006

Le corps qui change, vieillesse, accident, maladie.

Nous avons, tous, une "enveloppe corporelle". Content ou pas, on sait bien qu'il nous faudra faire avec toute la vie. Autant donc s'en faire une amie, plutôt qu'une ennemie.

C'est cette enveloppe corporelle qui est le premier médiateur de notre présence aux autres et au monde.

Autant dire que lorsque celle-ci ne correspond plus à la familiarité de nos semblables, les choses peuvent se compliquer.

Regard sur ceux qui changent - L'intimité

Le regard d'un "bien portant" sur un vieillard, un malade ou un accidenté varie vraisemblablement selon l'intimité des rapports entretenus avec l'autre.

Prenons l'exemple d'une maladie grave qui deviendra incurable.

L'annonce de la maladie peut déjà faire apparaître un individu de façon différente: traits du visage tirés, fatigués, démarche lourde et triste.

A la vison de cette personne, proche, le regard a déjà changé.

Et même d'ailleurs si le malade ne présente rien physiquement, le regard de son interlocuteur est different après l'annonce de sa maladie. Déjà, le bien portant imagine le corps qui va se transformer, qui finira par partir.

Si l'intimité reste ou devient, c'est encore l'homme qui apparaît à nos yeux. Cette intimité peut être amoureuse, amicale, familiale. Intimité, fréquence des rencontres, le bien portant s'habitue avec moins de heurts, le bien portant voit mais finira par se faire aux changements, amaigrissement, perte éventuelle des cheveux, altération de la peau, etc... Il ne s'arrêtera à ce qui vient entourer le malade.

Si on ne regarde que cet aspect extérieur, l'angoisse est effectivement terrible et l'idée de mort ne fait plus que hanter le vivant bien portant.

Le malade devient mort avant l'heure, c'est là je pense l'exemple cruel pour beaucoup de ne plus pouvoir communiquer et aimer quelqu'un dont le corps change et diminue.

Cette notion d'intimité me semble très importante dans ce rapport que l'on a avec l'autre. Effectivement, lorsque vous découvrez un proche malade après une longue absence, c'est le choc. Devant vos yeux, un corps transformé, votre interlocuteur lira rapidement dans votre regard que vous ne regardez plus qui il était jusqu'à présent mais ce que son corps est devenu.

Regard sur la rue

Qui, parmi vous, s'est déjà senti regardé, agréssé par des regards dans la rue ?

Et pourtant, là, comme ça, nous pourrions dire que nous n'avons rien d'anormal.

Je pense que le regard de l'autre n'est agressif que parce que la vision de nous même est négative. A chacun bien sur, d'en trouver les causes.

Ils nous arrivent, à tous, de croiser des gens qu'on appelle "différents", différents par une mutilation, une anomalie, une quelconque étrangeté sur le corps. Quel courage de sortir dans la rue se dit-on parfois.

Si nos semblables abimés croisent notre route, c'est souvent grâce à un travail personnel conséquent. Une tâche difficile, apprendre à vivre avec son corps changé, différent, et le faire se croiser à d'autres. Surtout dans une société qui voue un culte envahissant au corps BEAU et en BONNE SANTÉ.

Le fauteuil roulant dans la rue

Les personnes atteintes d'un handicap physique se disent souvent être renvoyées à leurs manques et leurs incomplétudes.

Il n'est par rare effectivement qu'une personne en fauteuil accompagnée par un bien portant (qui peut être un ami) soit exclue du terrain communicatif. Le troisième interlocuteur s'adressera plus facilement à l'accompagnateur valide.

L'homme "dit normal" ne veut pas voir. Il est même gêné. Tout ceci entraîne un impact économique dans notre société. C'est cet impact qui rend, aussi, la vie difficile aux personnes handicapés. Certaines stations de ski, par exemple pourraient s'équiper de matériel spécial pour accueillir les hommes et leur fauteuil. Elles ne le font pas, de peur de voir leur clientèle habituelle fuir ailleurs.

Perception du vieillard en maison de retraite

L'idée de la maison de retraite voudrait que les vieillards viennent finir leurs jours dans de bonnes conditions et dans un cadre agréable.

Il n'est pas rare d'arriver dans une maison de retraite et de trouver, d'abord, de grandes baies vitrées. Si l'idée est de reconstituer un lieu de vie de chaleureux, déjà, ça commence mal. Nos aînés vivaient rarement avec de grandes baies vitrées.

Une fois dans la maison de retraite, on découvre un grand salon avec des vieux assis dans des fauteuils. Non, des vieux stockés dans des fauteuils. Vous remarquerez la hauteur des fauteuils, ils sont bien près du sol. On peut aisement comprendre que, comme ça, le vieux, avec son corp fatigué, n'en bougera pas.

Quelle belle image du corps qui vieillit...

Passé un stade, on ne devrait donc attendre qu' une seule chose: la mort. Et surtout ne pas montrer les signes de faiblesses du corps qui vieillit, qui a du mal à se déplacer, qui est courbé, hésitant...

Soignant - soigné

Le corps, le soignant et le soigné.

La maladie peut donc transformer le regard de l'autre. Ce qui inquiète le plus le malade, c'est d'aller vers la déchéance. Les malades disent souvent: "Regardez ce que j'ai, ce n'ai pas pas moi ça, comment je suis devenu...". Tout le travail des soignants commence par essayer d'aider la personne à continuer à se considerer comme elle même, malgré toutes les anomalies qu'elle peut avoir.

Dans le cas où la maladie est incurable. Alors, l'aspect physique perd peu à peu sa réference d'essentiel. C'est tout le travail des soignants d'avoir un regard respectueux qui montre à la personne qu'elle est digne, l'idée qu'elle est respectable malgré son handicap. Mais aussi de dire qu'on ne peut pas lutter contre celui-ci, il est là.

Il faut sans cesse faire réference à ce qu'elle peut représenter comme personne et non comme corps. L'aider à se concentrer sur l'ésprit, l'être, ce qu'elle a fait, ce qu'elle a été, ce qu'elle est encore.

L'objectif est de leur faire respecter et aimer ce qu'il reste de ce corps. Par exemple en utilisant du maquillage, en réalisant un shampooing au lit, en les incitant à mettre une tenue de ville plutôt qu'un pyjama.

On pourra aussi donner un bain afin d'apporter du confort à la personne. Mais elles peuvent souvent souffrir, le rôle du soignant est de prendre soin, de manipuler avec précaution, de ne pas transformer un moment de détente en un moment de torture. Surtout que si la douleur physique est là, le malade ne pense plus qu'à ça. Si le corps est torturé, l'ésprit ne peut plus travailler.

En l'absence de douleur, les soignants entendent souvent des proches dirent: "Vous voyez comment il est ? Est-ce que vous croyez que c'est bien de continuer à vivre comme ça ?". Les proches ont tendance à s'arrêter à tout ce qui est altération physique: la peau abimée, le visage déformé, etc... Ils n'arrivent pas à dépasser cela pour continuer à voir celui ou celle qu'ils aimaient, qu'ils connaissaient, qu'ils appréciaient. Le travail des soignants est de les aider, de leur faire prendre conscience que derrière tout ce corps abîmé, il reste quelqu'un qui est toujours là et qui a besoin d'être aimé.

Regression - homme - légume

On retrouve un phénomène régressif dans tous ces corps déchus.

La maladie étant un danger, le patient est amené à élaborer des stratagèmes pour se proteger mais aussi pour chercher une sorte de jouissance dans cette situation. Un mélange de peur (la douleur), d'éspoir (de guerison) et de plaisir (être cajolé par des visites et le souci qu'on a de lui) constituent des éléments de régressions pendant la maladie. Tout cela varie selon l'état d'origine de psychologie du malade.

La frustration des patients à l'égard des soignants est inévitable. Le soignant doit suivre des règles, des protocoles et ne céde pas nécessairement à tous les caprices et toutes les envies du malade. D'où l'agressivité de certains patients pour un simple "Non", même fondé.

Soigner peut vouloir dire éduquer, et ce, contre les tendances infantiles difficilement controlables du patient. On peut aussi deceler un besoin de reconnaissance quasi infantile.

On retrouve donc des comportements d'enfants décrits par Freud. Le patient voue une confiance absolue au soignant (comme il le fesait avec sa maman), le patient se dit que seul le soignant peut voir sa transformation physique et ne pas porter de jugement, le patient se met en colère contre le soignant qui ne cède pas (comme il fesait aussi avec sa maman), le patient voudrait aussi avoir le soignant pour lui tout seul, etc...

L'état anxieux du patient sur son corps n'est pas sans conséquence donc sur l'appréhension du monde. Pour des médecins, l'absence totale de régression peut être un signe inquiétant dans l'évolution therapeutique.

On le voit bien la régression n'est pas celle qu'on entend sous la forme, je suis un légume, je ne parle plus, je ne mange plus, je me souille, je suis aréactif. Donc on me lave, on me tourne, etc...

Il existe pourtant des corps qui ne bougent plus. On appelle ça un Etat Végétatif Persistant (dans le language courant, un légume).

Plus aucun signe du patient. Des études montrent pourtant que le patient peut comprendre. Des médecins ont par exemple demandé à une anglaise de 23 ans en EVP d'imaginer qu'elle était en train de jouer au tennis et qu'elle se baladait dans sa maison. Les aires cérébrales commandant les fonctions spatio-visuelles et motrices ont manifesté une activité identique à celle d'une dizaine de volontaires sains soumis aux mêmes instructions. Les chercheurs en ont conclu que la patiente conservait la capacité de comprendre et d'y répondre par une activité cérébrale, ce, malgré l'absence de parole et de geste.

Dans la pratique, la prise en charge de ces personnes se révèle éprouvante. Sur le plan médical, elle met en évidence les limites de la technique. Au niveau des soins, elle épuise les énergies, dans une relation qui ne semble offrir aucun retour au personnel soignant et aux proches.

L'avenir de ces personnes est souvent source de violents débats. Car même si on ne fait plus de soins avancés, la nutrition et l'hydratation, sont eux, des soins de bases. Ne pas nourrir ou hydrater un tel patient revient à le faire mourir délibérément.

Et pourtant, si on retranche un certains nombre de points de vues en Europe "Un homme qui ne pense plus cesse de faire partie de l'humanité".

En moyenne un patient en EVP a une longévité de 2 à 5 ans, mais dans certains cas, cette dernière peut s'élever à 10 voire 20 ans.

Le degré de dépendance d'un patient en état végétatif correspond à celui d'un nourrisson: il concerne les fonctions d'alimentation, d'hygiène et de prévention de maladies ou de complications, notamment l'apparition d'escarres.

On demande à une maman qui a gardé sa fille quinze ans à la maison dans un état végétatif, "que vous a-t-elle apporté ?": Elle a changé ma vie, elle a boulversé mon échelle de valeur. Quand vous vivez dans la facilité, les gens ne viennent pas vous raconter leurs problèmes. Grace à elle, j'ai reçu quantité de confidences. Les autres disent, toi, souffrir, tu sais ce que c'est, on peut te parler. C'est la plus grande leçon qu'elle m'ait donnée: la personne qui se trouve à côté de toi a des problèmes que tu ne soupçonnes pas. Et si c'était à refaire: Je ne regrette rien, je ferais exactement la même chose. Nous avons connu des moments extraordinaires.

Changement du corps

Ablation d'un sein, poche de stomie pour faire caca, amputation d'un membre, surpoids, réactions épidermiques outrancières, tant de mutilations que peut subir un corps. Et ce, pour des raisons bien differentes des unes aux autres.

On imagine le travail personnel de ces gens, les deuils, les colères. A cause de qui ? la maladie, le chauffard, le fabricant, l'employeur, etc...

C'est un travail énorme.

Surtout dans cette société ou il faut être "jeune, riche et beau", on se dit: "autant partir".

Alors pourquoi ne pas créer de l'intimité et regarder l'être.

Benoît TIRANT Aide-soignant à domicile  -  Poitiers

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